Retrouvailles Douloureuses
Nous étions inséparables. Le lien qui nous unissait était si fort que nous ressentions toutes les joies, toutes les victoires de l’autre mais aussi toutes les désillusions, toutes les colères, toutes les souffrances…
Mais à deux, tout nous semblait surmontables. Personne eut pu affronter l’une de nous deux sans faire face à l’autre. Nous nous sentions invincibles…
Nous avions une même passion. Plus qu’une passion, nous vouions un culte au feu. Y a-t-il ne serait-ce qu’une chose de plus fascinant que le feu ? Qui n’a jamais plongé son regard dans les flammes d’un feu de camps ? Qui n’a jamais ressenti le réconfort de la douce chaleur des flammes au cœur d’une nuit froide ?
Nos parents, pères et mères, étaient tous les quatre pompiers volontaires comme l’étaient déjà nos grands-parents. C’était une tradition dans nos deux familles, avoir le contrôle du feu.
Nos parents avaient affronté successivement les grands feux de Sydney et Marseille. Autant dire qu’ils ont pris soin de bien nous apprendre comment maîtriser un début d’incendie dès notre plus jeune âge. Nous connaissions donc aussi toutes les mesures de sécurité en cas d’incendie…
Pour notre dernière année de primaire, nous devions préparer un numéro en binôme. Nous voulions faire un numéro exceptionnel. Nous nous étions entraînées pendant des mois et nous avions présenté à notre institutrice notre numéro comme étant de la jonglerie et de la danse. Nous avons demandé à passer en dernières pour clôturer le spectacle.
Personne n’était au courant de nos intentions réelles. Le public, composé essentiellement de parents d’élève, était très détendu lorsque nous sommes montées sur l’estrade pour installer notre matériel. Nos parents étaient au premier rang, notre maîtresse au bord de la scène pour nous aider à préparer notre installation d’un air curieux.
Le silence s’installe. Nos parents voient le cercle de pierre enduite d’une poudre au centre de l’estrade. Ils comprennent. Nos deux mères se lèvent, prennent deux extincteurs et se positionnent discrètement des deux côtés de la scène à l’abri des regards, une lueur de fierté dans leurs yeux. Nous savons à ce moment qu’ils nous laisserons faire notre numéro.
Nous allumons les mèches. Les deux cerceaux placés de chaque côtés de l’estrade et le cercle de pierre prennent feu subitement mais surtout de façon spectaculaire.
Les spectateurs sursautent et commencent à paniquer. Nos deux pères, prêts à passer à l’action, se sont levés pour faire rassoir le public en le rassurant. Nos mères apparaissent à la vue des spectateurs avec les extincteurs en mains pour montrer que la situation est sous contrôle. Ceux-ci commencent à se rassoir malgré leur inquiétude. Notre institutrice est paralysée sur sa chaise.
Nous nous élançons à travers les cerceaux en feu pour atterrir à l’intérieur du cercle d’un diamètre large d’à peine quelques mètres paraissant ridicule aux yeux du public. Nous commençons à virevolter au milieu des flammes et à enchaîner les figures dans un exemple parfait de symbiose. Nous saisissons ensuite trois torches enflammées chacune et jonglons de manières audacieuses seules ou ensembles.
Le spectacle fut un triomphe. Depuis, on ne nous appelait plus que les « danse-flammes ». Nous étions très fières de nous…
Ensuite, ce fut les années de collège. Ce sont sûrement les plus belles années de notre histoire. Nous faisions régulièrement quelques tours de passe-passe avec le feu en plein milieu de la cour. Cela nous a valu quelques sanctions de la part des surveillants mais surtout l’admiration de nos camarades. Les surveillants finirent par se lasser de nous punir mais nous pensions que nos parents y étaient pour quelque chose. En plus de nos petits tours dans la cour, nous avions le plaisir d’être jeunes sapeurs pompiers, poursuivant avec fierté la tradition de nos deux familles.
Il vint ensuite le lycée. Nous avons arrêté nos courtes représentations en plein-air et nous sommes éloignées de nos camarades. Nous avons mal tourné… Nous venions de plonger dans la folie des sciences occultes…
Tous les soirs, nous nous rendions dans une clairière dont seules nous connaissions le lieu pour nous livrer à nos pratiques dangereusement douteuses avec comme outil principal le feu.
Notre subit changement de comportement inquiéta nos parents qui jusque-là avaient eu entièrement confiance en nous, Je dois dire que nous n’avions jamais abusé de cette confiance aveugle avant le drame…
Le drame. Cela s’est passé le jour de l’anniversaire des dix-huit ans de ma bien-aimée. C’était un jour spécial. Nous étions depuis longtemps ancrées dans nos croyances sataniques…
Minuit. Pour le passage à l’âge adulte, ma douce devait purifier son corps. Le rituel commence. Un bûcher est entassé au milieu d’un pentagramme. Le pentagramme prend feu, je danse autour du bûcher. J’achève ma danse. Le moment fatidique approche. Je saisis une torche, je mets le feu aux quatre coins du bûcher. Ma sœur patiente, à genoux sur la plate-forme de bois. Les flammes lèchent ses pieds. Nous sommes en transe, proche de l’extase. Nous sommes nues, comme toujours lors de nos cérémonies. Le feu se reflète sur le corps parfait de mon autre moitié.
Mon cœur lâche violemment. Un cri d’une violence rare m’est arraché. Ma tendre est toujours à genoux dans la même position. Je vois des larmes aux bords de ses yeux qui sont fixés sur moi. Les flammes prennent possession de son corps. Pas un bruit ne sort de sa bouche qui reste hermétique. Je crie pour elle, je souffre à sa place. Elle le sait. Elle ne bouge pas. Les larmes se mettent à couler silencieusement de ses yeux verts. Je pleure. Je la supplie de sauter. Elle me sourit tristement. Les larmes s’évaporent, c’est terminé, je m’effondre dans l’inconscience…
Aujourd’hui, cela fait exactement un an que je suis morte. Lorsqu’on m’a retrouvé nue dans cette clairière, après trois jours de recherches, dans un sommeil profond. Pendant ces trois jours, les larmes ont continué à perler de mes yeux clos. À la sortie de mon état comateux, j’ai continué de pleurer. Pendant un an, j’ai continué de pleurer.
Je n’ai plus jamais parlé depuis mon réveil. Je n’ai fait que pleurer et écrire ce recueil que j’achève aujourd’hui. Car aujourd’hui est un jour spécial. Aujourd’hui, je rejoins ma première mort dont je ne suis plus que l’ombre. Aujourd’hui, le la rejoins avec respect et humilité mais surtout avec joie. Oui, aujourd’hui, je souris pour la première fois depuis exactement un an.
Mes quatre chers et tendres parents, aujourd’hui, je vous destine ce livre. Aujourd’hui, je la retrouve enfin. Ne soyez pas triste, la boucle est enfin bouclée. Nous ne ferons plus qu’une à nouveau, soyez heureux pour nous.
Je ne pars pas, j’arrive…
Plus tard, dans la soirée, ses parents retrouveront son corps dans la baignoire dans un état de béatitude. À côté se trouve son recueil avec un petit mot dessus. Il est dit sur ce bref message qu’elle préféra ne pas purifier son corps et de mourir dans la honte en signe de respect envers sa douce.
J'aime bien se rp. Pas de moi d'un ancien collégue mais bon ici on ne connais pas beaucoup cette art des mots , donc j'en post quelqu'un sa pourrai reveiller des auteurs ...
Mer 9 Avr - 13:41